A y regarder de loin, il y a un évident opportunisme au cœur de la nouvelle formule de Resident Evil 7 : à sa sortie en janvier 2017, il entendait clairement profiter de la mode des « jeux d’horreurs pour Youtubeurs », les Amnesia, Outlast et consors, avec sa vue à la première personne, son emphase sur l’horreur glauque et ses courses poursuites faisant du joueur le pourchassé (presque) désarmé. Mais au delà de l’effet de mode, Resident Evil 7 s’est imposé comme un jeu aux idées claires, reprenant le principe du joueur en situation de fuite pour lui donner une structure limpide, et revisiter par ce biais les images et traumatismes séminaux du cinéma d’horreur (de Massacre à la Tronçonneuse à Ring, en passant par la série des Saw).
Deux premières heures magistrales
Ce qui revient d’abord en mémoire, ce sont les deux premières heures de jeu, hallucinante plongée en apnée dans un enfer redneck où l’on rencontre les membres de la famille Baker, personnages plus proches du croquemitaine que du fermier texan, dans une atmosphère morbide ponctuée de jump scares à décrocher le cœur et de visions à la limite du soutenable : cette entame magistrale est portée par une mise en scène phénoménale, notamment via le script et le décor, sous l’égide du décidément excellent Richard Pearsey (anciennement narrative designer sur Spec Ops The Line). Mais c’est seulement au sortir de cette introduction tendue à l’extrême que la structure du jeu se dessine, sous la forme d’un grand manège de l’horreur où le joueur passe successivement de victime à héros, de pourchassé à pourfendeur.
Pour résumer très grossièrement, Resident Evil 7 est construit autour des trois grands moments que sont les affrontements avec les membres de la famille Baker (le père, la mère, le fils), cousins vidéo-ludiques des fermiers de Massacre à la Tronçonneuse dont la figure tutélaire plane sur le premier acte, quand le second acte rappelle plutôt les fantômes des films d’horreur japonais. Chacun de ces combats de boss se joue sur le mode de la fuite : après une première rencontre avec le futur monstre auquel on sera confronté, dans l’une de ces visions magistralement mise en scène, on découvre le lieu de l’affrontement construit en enfilade circulaire de couloirs et de pièces.
Cercle infernal
Cette structure en cercle se vit comme un manège de l’horreur dont on prendrait progressivement le contrôle en domptant sa peur : d’abord saisit par le choc d’une première vision, on se met immédiatement à fuir pour survivre, l’obsession étant alors de sortir du champs de vision de l’ennemi pour se cacher quelque part (dans un sous-sol, derrière un meuble) et rassembler ses esprits. S’ensuivent plusieurs « tours de manège » dans cette arène circulaire, entre course échevelée lorsque le monstre se rapproche à grands cris, et pas de loups quand on pense l’avoir distancé, jusqu’à comprendre comment fonctionne le niveau et quelle peut être la faiblesse de l’ennemi. Une fois la solution trouvée, il faut encore surmonter sa peur, lancer l’offensive et briser le cercle de l’horreur, en reprenant le contrôle du manège.
Le dispositif est repris plusieurs fois, d’abord dans la maison où il converge vers l’un des boss fights les plus violents et sanglants de toute la série, puis dans la grande cabane des marais de Marguerite, monstre arachnéen en devenir dont la moindre apparition glace le sang, et qui se solde par la séquence à notre avis la plus flippante du jeu : l’affrontement dans sa « maison de fou », moment de terreur pure – à la limite du jouable pour moi -, alternant entre phases de grand calme où Marguerite circule, invisible, dans les coulisses du décor, et apparitions sidérantes du monstre par des trous dans les murs et plafonds d’où elle tente de nous attraper de ses long bras. Ce sont là, littéralement, des visions de cauchemar, qui nous hantent encore un an après avoir fini le jeu.
Le troisième affrontement, plus stressant qu’effrayant, sort de la logique du manège infernal mais n’en reste pas moins un moment intéressant par son dispositif narratif. Il nous plonge dans un jeu sadique à la Saw conçu par un boss « ingénieur bricolo », dont il faut déjouer les tours mortels. Relevons une belle idée : celle de découvrir le lieu piégé dans un flashback (sous forme d’une VHS « jouable ») qui se solde de façon tragique, ce qui créé une grande tension au moment de jouer, « au présent », la survie de notre propre héros. Par la suite, l’aventure horrifique se gâte un peu en virant à l’action exacerbée dans un dernier acte qui évente le stress minutieusement construit jusque là – un défaut récurrent de la série -. Cela ne suffit toutefois pas à altérer le souvenir des moments de peur primales suscitées par ses grandioses boucles narratives et ludiques.