Critique d’ilomilo : puzzle-game vertigineux et charmant

Test publié en janvier 2011

Plutôt rompu à l’exercice du développement pour le XBLA, Southend Interactive s’était illustré dans différents genres avec des reprises de qualité, passant habilement du shoot’em up avec R-Type Dimension au jeu de plateforme mâtiné de réflexion avec Lode Runner. ilomilo est sa première incursion dans le pur puzzle game avec un concept s’appuyant fortement sur la 3D. Le soucis du détail omniprésent dénote d’emblée du dévouement avec lequel le développeur a abordé son titre. Le bonheur, c’est que le gameplay en lui même est à la hauteur de cette adorable présentation, hissant le titre au niveau des plus grandes réussites du genre.

Une réalisation d’orfèvre

Dès les premiers pas, les tableaux saisissent immédiatement par leur charme bricolé de rêves tapissés de dessins d’enfants. Une fois le niveau lancé, le parcours constitué de blocs se matérialise dans un espace qui se prolonge dans toutes les directions, entouré de structures diverses. Arbres et maisons en papier, châteaux imaginaires et voix lactées étendent ainsi chacun des cinq mondes dans des arrières plans enchanteurs. Le soin porté à tous ces détails créé un effet de cohérence que les personnages eux-même contribuent à entretenir, en harmonie avec l’esthétique de l’ensemble. Que la réalisation soit portée à ce degré d’attention amoureux au détail esthétique est, pour un puzzle game, proprement remarquable.

On en prend vraiment la mesure en considérant les ressemblances qu’ilomilo entretient avec rien moins que Mario Galaxy ; les deux titres partagent le même usage poétique de la lumière, capable d’évoquer aussi bien la douce chaleur du soleil couchant que le froid de l’espace intersidéral. La façon qu’elle a de nimber de concert les personnages de tissu et les textures du décor d’un halo délicat est un pur délice pour les yeux. Dans cet ordre d’idée, la finition du titre est elle aussi irréprochable : la bande-son assurée par une fanfare imaginaire rappelle la mélancolie des mélodies automnales de Yann Tiersen, et les menus soignés jusqu’au moindre bruitage nous accompagnent avec douceur tout au long de la progression. Et le plus réjouissant, passé l’émerveillement initial, c’est que les phases de gameplay ne font pas tomber l’enthousiasme, loin s’en faut.

Un puzzle game multi-directionnel

Le principe du jeu raconte toujours, de niveau en niveau, la même histoire. ilo et milo, deux amis inséparables, sont placés à l’opposé l’un de l’autre, l’objectif étant de les faire se retrouver en « bouclant » le parcours, c’est à dire en les amenant face à face. Certaines arrêtes sont recouvertes d’un tapis rouge qui permet de passer sur une autre face, chamboulant ainsi les repères du haut et du bas. Dans le mouvement, la caméra s’ajuste systématiquement sur le plan du personnage joué et n’en finit donc pas de perturber notre sens de l’orientation. L’autre ressort essentiel, ce sont des blocs aux caractéristiques spéciales que les personnages pourront ramasser et replacer plus loin dans le niveau.

Les parcours prennent alors toute leur dimension de puzzle, dont il faut trouver la sortie par une utilisation intelligente de ces blocs et de leurs caractéristiques, que nous vous laissons le plaisir de découvrir. Tirant la substantifique moelle de tous ces éléments, le level design recèle des trésors d’inventivité, véritable pierre angulaire de la réussite ludique du titre. C’est par lui que s’exprime pleinement tout le potentiel des différents éléments du gameplay et que la difficulté s’installe dans une courbe de progression parfaitement réglée.

« Les puzzles proposent régulièrement un beau challenge »

C’est d’ailleurs l’une des choses qui saisit le plus : devant le foisonnement de possibilités, dans cet espace multiplié par les perspectives des six faces, on est souvent un peu perdu à l’abord des niveaux et de leur structure complexe. Les puzzles proposent régulièrement un beau challenge, et leur difficulté, bien que tout à fait surmontable, pourra faire littéralement tourner la tête. Leur résolution demande un investissement de chaque instant, et donne l’indice de la profondeur de la réflexion qui les a fait naître. On insiste : leur construction, impressionnante en tout point, est en effet un fantastique exercice d’architecture en 3D mûrement réfléchi. Il y a d’ailleurs un pur plaisir ressenti dans le simple fait de parvenir à lire les beaux parcours jusqu’à leur terme ; le moment du déclic où le tableau se met soudainement à faire sens est à cet égard particulièrement jouissif.

Pour aboutir à ce moment « eureka » où l’on réussit à décrypter le niveau, il faudra souvent en passer par bon nombre d’actions préparatives qui permettent de tester des hypothèses à différents endroits : en fonction des résultats, il sera donc nécessaire de faire preuve d’une bonne mémoire pour savoir sur quelle impasse travailler et laquelle abandonner. Parmi d’autres items à récupérer, on pourra en outre rassembler des petits personnages miniatures au nombre de trois par tableaux, dont la collecte permet de débloquer des niveaux bonus à la difficulté encore plus corsée. Le jeu s’assure ainsi une rejouabilité confortable ainsi qu’une durée de vie tout à fait satisfaisante : s’il est possible de rusher la fin de jeu en quatre heures, il en faudra bien d’avantage pour le finir complètement.

« La jouabilité d’ilomilo reste par principe très statique »

Le dernier niveau est à ce compte une petite merveille dans sa conception, double parcours vertigineux résumant avec brio tous les éléments du gameplay dans un mouvement plus dynamique qu’à l’accoutumée. Par contraste, il révèle un point sur lequel le jeu surprend parfois. Dans la tradition des purs puzzle game, la jouabilité d’ilomilo reste par principe très statique et ne fait quasiment jamais intervenir les réflexes et le timing; pourtant, la présentation est celle d’un beau jeu de plateforme déployé dans une faste 3D.

D’une certaine manière, le titre trouve ici sa limite par son genre, à l’endroit où sa beauté et l’attrait exercé par son monde en 3D buttent sur le côté stationnaire du déplacement « sur plateau » et ne manque pas de frustrer. On aurait pu imaginer que la même proposition de jeu s’accommode de plus d’action et décisions dans l’urgence; mais il s’agit en l’état d’un contrat que l’on accepte d’autant plus facilement que le gameplay en lui même n’est quasiment jamais pris en défaut.

Tout au plus pourra-t on regretter que la progression passe si souvent par la dure logique de l’apprentissage par l’erreur, qui risque peut être de désespérer les moins patients. Pour en dire un mot, le mode coopératif n’est malheureusement pas à la hauteur de son potentiel, n’ayant pas su inventer de modalités de jeu simultané dans des niveaux spécifiquement conçus à cet effet. Difficile cependant d’en rester sur quelques remarques négatives, tant l’aventure nous aura enchantée par les merveilles enfantines de son microcosme tranquille et par son savoureux gameplay.

Conclusion

Fort de son adorable direction artistique qui distille sur la durée un parfum de naïveté enfantine, ilomilo possède un charme fou que ne gâche en rien une bande-son de qualité. Le gameplay, au diapason, est d’une solidité toute aussi constante : son potentiel est parfaitement exploité par un level design qui s’étire dans toutes les directions et selon des perspectives sans cesse renouvelées, induisant un délicieux vertige (et des migraines carabinées!). A l’évidence, les amateurs du genre ne pourront qu’être séduit par ses puzzles de bonne tenue.

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Écrit par
Administrateur du site Etoile et champignon. Passionné par les jeux vidéo.

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