Critique de Little Big Adventure : classique français toujours charmant

Critique publiée par Benoît le 31/03/2014 sur Apps-and-play.com, site d’actualités et de tests sur les jeux mobiles en activité en 2014 et 2015.

Après avoir inventé le genre du survival horror et défriché le game-design en 3D avec Alone in the Dark (1992), le studio Adeline Software de Frédérick Rayal, alors au sommet de sa créativité, publiait en 94 le fabuleux Little Big Adventure, classique des classiques de l’action-aventure. On y suivait le combat de Twinsen contre une dictature, au sein d’un monde ouvert en 3D isométrique offrant une liberté d’exploration inédite pour l’époque. A l’heure de la sortie de cette version iOS, vingt après l’original, ses qualités ont elles survécu aux outrages du temps ?

Entre game-design vieillot et réajustements tactiles réussis

C’est un fait, certains éléments du game-design de LBA ont assez mal vieillis, et risqueront de rebuter les joueurs qui le découvrent aujourd’hui. Les déplacements du héros souffrent toujours d’un temps de retard sur la commande, cause de nombreuses maladresses – sauts ratés, balles non esquivés -. Quant aux modèles 3D, animations et doublages, de l’ordre du jamais vus en 94, ils font clairement leur âge aujourd’hui, dépassés par 20 ans de progrès technologiques et d’inflation des coûts de production.

Autre élément qui rend les début poussifs : les contrôles adaptés au tactile semblent d’abord totalement ratés. On progresse en tapotant sur l’endroit où l’on veut déplacer Twinsen, qui s’y rend en ligne droite quitte à courir à l’infini contre le mur qui l’en sépare. Il faut dire que la brutalité de la première phase de jeu – l’évasion d’un asile pour dissidents, en zig-zag entre les balles ennemies -, ne facilite pas la donne : à l’ancienne, LBA ne pointe aucune grosse flèche rouge sur l’objectif du moment et ne nous tient jamais par la la main, nous incitant plutôt explorer par nous-même, à discuter avec les autochtones, à tenter des passages en force dans les zones dangereuses.

On suspecte donc qu’un certain nombre de joueurs ne pousseront pas plus loin que la toute première demi-heure de jeu. Ce serait dommage, même si cette version iOS ne peut s’en prendre qu’à elle-même : son tutoriel oublie en effet d’indiquer une astuce de gameplay capitale, qui la rend en fait totalement jouable. En maintenant la pression du doigt, on peut déplacer le curseur et contrôler ainsi le cheminement de Twinsen avec précision : un double tap le fait courir ou bien taper un ennemi, un swipe balance sa balle magique, tandis qu’un simple tap le fait marcher ou discuter avec un PNJ – quant à l’approche « infiltrée », on la déclenche via une icône en haut à droite de l’écran.

Cette traduction des mécaniques en « tout tactile » a le mérite d’alléger considérablement le gameplay de l’original, qui obligeait à basculer en permanence entre quatre postures (normal, agressif, discret, sportif), pour effectuer toutes ces actions. On apprécie en outre l’ajout d’une visée automatique lors d’un lancer de balle – en balayant le doigt sur l’ennemi – et la simplification globale des combats, qui restaient l’un des points faibles du jeu d’origine. La possibilité de dézoomer la carte fait d’avantage figure de gadget, quand bien même elle permettra d’anticiper certains coups fourrés. Seul vrai regret : les interactions avec le décor sont souvent imprécises, et requièrent de se positionner juste devant l’objet en question.

Un charme intact

Ces considérations « pratiques » mises à part, Little Big Adventure rayonne toujours d’un charme unique, jamais revu dans un autre jeu si ce n’est sa suite ou dans Beyond Good and Evil ; celui d’une aventure « à la française » empruntant aux cadors du genre (les donjons de Zelda par exemple), sans en reprendre les codes scénaristiques : à mille lieues du folklore fantasy ou même de la S.F., LBA tient plutôt du conte candide, avec son petit monde peuplé de Lapichon, de Quetch ou de Grobos, son dragon-peluche – un certain Dino-Fly -, ou son grand méchant nommé FunFrock…  autant de créatures et de noms qu’on dirait issues de l’imagination fertile d’un enfant.

Le monde de LBA, c’est un monde de voisins qui s’entraident, mais aussi, de soldats postés derrière des mitraillettes : c’est un monde à « hauteur » d’enfance, où les adultes se font des bisous pudiques, ou la dictature est personnifiée par des vilains qui ricanent en faisant « bwahahaha » ; ce qui désarme et enchante ici, c’est l’absolue naïveté de cet imaginaire, son premier degré à toute épreuve, qui se vit comme un retour à un certain état de l’enfance, à la fois étrange et familier. Et c’est loin d’être la seule qualité de Little Big Adventure.

Sur le plan ludique en effet, le titre épate comme au premier jour, par son mélange d’exploration libre et de progression « scénarisée ». En l’absence d’objectifs clairs, le joueur est incité à fureter de lui-même, jusqu’à tomber sur la discussion ou l’interaction qui fera avancer l’histoire. Exemple typique : un échange avec un prisonnier nous ouvre l’accès à la résistance locale, qui divertira les soldats en poste dans la ville pour nous permettre d’atteindre une embarcation et de voyager vers une prochaine île. Certaines phases (comme celle, géniale, du vol du musée) se jouent sur le mode de l’infiltration ; d’autres nous embarquent dans de purs « donjons » à la Zelda, au level-design très malin exploitant la 3D isométrique pour jouer sur les hauteurs et distances. Ce qui séduit le plus, c’est que ces séquences diverses se succèdent sans formule toute faite, comme portées par un principe de pure association d’idées.

Conclusion

Certes, Little Big Adventure accuse son âge, et ses contrôles au tactile paraissent de prime abord impraticables. Mais pour qui persévère, la « petite grande aventure » qu’il propose recélera un charme intacte, entre innocence enfantine et inventions ludiques toujours captivantes : capable de passer de l’action à l’infiltration, de l’aventure « à inventaire » à l’exploration de donjons, LBA était et reste un coup de maître sur iOS, l’un des fleurons du jeu-vidéo des années 90.

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Écrit par
Administrateur du site Etoile et champignon. Passionné par les jeux vidéo.

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