Critique de The Longest Journey : la grande aventure de Funcom

Critique publiée par Benoît le 04/12/2014 sur Apps-and-play.com, site d’actualités et de tests sur les jeux mobiles en activité en 2014 et 2015.

Jeu testé sur iPad

Depuis sa sortie à la fin des années 90, The Longest Journey était resté l’un de nos jeux d’aventure préférés. Après l’avoir fini une nouvelle fois, on saisit mieux pourquoi : il est porté par un élan narratif rare, et fait de ses éléments ludiques (énigmes, dialogues, exploration) des vecteurs de son récit quand, d’habitude, le récit n’est que prétexte aux énigmes. Retour sur cette passionnante aventure entre deux mondes, auquel ce portage iOS fait globalement honneur :

Enigmes au service d’une histoire captivante

The Longest Journey raconte l’histoire d’April Ryan, étudiante en art qui se découvre le pouvoir de basculer entre son monde « normal » (une version future de la Terre) et le monde magique d’Arcadia, sur fond de folklore fantasy ; deux mondes en équilibre précaire qu’April aura la lourde tâche de stabiliser pour éviter l’apocalypse, au long d’une quête semée d’embûches qui l’entraînera des deux côtés du miroir.

La première grande réussite de The Longest Journey, c’est sa capacité à susciter ce trop rare sentiment de merveilleux, émotion grisante qui accompagne un surgissement magique au cœur d’un contexte bien réel. Pour créer cet effet, le développeur Funcom avait compris qu’il fallait d’abord poser un monde ultra-crédible, décrit et vécu dans le détail – en l’occurence, une version future de notre monde. On y retrouve des parcs, des quartiers résidentiels en brique rouge, un centre-ville pollué comme ceux des grandes villes d’aujourd’hui, autant d’environnements prosaïques que le jeu prend le temps de parcourir au rythme tranquille d’une vie estudiantine, tout juste teintée de science-fiction par petites touches : une voiture volante par ici, une machine futuriste par là, soumises à l’usure et la rouille comme pour souligner la réalité matérielle de ce monde là.

Par conséquent, lors d’une bascule vers le conte, il y a comme une contamination du magique par le réel : sous l’effet du prosaïsme ambiant, Arcadia semble aussi vraie, aussi concrète que le futur « réaliste », ce qui ne fait que renforcer le plaisir de l’explorer et la sidération suscitée par les scènes de fantastique. April Ryan est à ce titre l’héroïne idéale pour donner la pleine mesure des choses folles qui lui arrivent, par ses réactions tantôt sceptiques, tantôt incrédule, ancrées dans sa condition de personne « normale », partageant nos étonnements et nos surprises.

Plusieurs niveaux de lectures et d’appréciation

Outre ces envols grisants vers le conte, The Longest Journey regorge de contrastes savoureux : on peut voir Stark comme un futur possible de notre monde, hyper-technologique, hyper-citadin et marchand, riche de son histoire mais divisé entre pauvres d’en bas et riches d’en haut, sous le joug d’une état policier ; à l’inverse, Arcadia serait un monde de croyances ancestrales, de traditions orales et de vie communautaire, qui semble figé dans l’Histoire et où l’absence de règles logiques fait planer la menace du chaos. Pas de mauvais monde en soi, de découpage « enfer/paradis »,  juste deux mondes foncièrement différents, grossissant chacun des traits et valeurs de notre propre monde et les mettant en balance – c’est le thème même du jeu et de ses constants allers-retours, et ça peut suffire à le rendre passionnant -.

Mais ce qui nous plait le plus dans The Longest Journey, c’est encore l’amour de son scénariste – Ragnar Tornqvist, alors agé de 25 ans – pour ses personnages, affection qui infuse les dialogues nombreux et bavards, mais jamais ennuyeux : chaque discussion est l’occasion de creuser le passif d’une relation, de découvrir une nouvelle facette d’une personnalité, de sonder un interlocuteur sur son ressenti après un événement majeur. Pour la plupart attachant et bien écrits, les personnages sont véritablement le cœur du jeu, sa matière première pour ainsi dire, et ne sont que rarement de simples rouages-à-énigmes – comme il se doit dans un jeu focalisé sur son récit -.

Pour autant, The Longest Journey fonctionne aussi comme pur puzzle-game, et regorge littéralement d’énigmes : si une poignée de puzzles semble aujourd’hui un peu trop tirée par les cheveux, la plupart se situe dans la moyenne haute du genre, avec quelques énigmes filées juste excellentes (longues, logiques, surprenantes). Mais le fil rouge entre toutes, ce qui nous les rend si appréciables, c’est qu’elles servent toujours l’histoire plutôt que de la casser – qualité rare dans un jeu d’aventure, ou champs ludique et narratif entrent souvent en compétition -.

Qualités et défauts du portage iOS

Pour finir sur les louanges, The Longest Journey est aussi l’un des point ‘n clic les plus longs que l’on connaisse (compter 15 heures minimum pour un premier run), l’un des plus esthétiquement charmants sur la durée (le mélange entre décor précalculé et persos 3D à la FF7 fait des merveilles), et profitant sur iOS d’une résolution rehaussée qui fait honneur au travail minutieux des artistes. On n’oublie pas non plus la qualité bluffante des doublages anglais, ultra pro pour l’époque (à quelques personnages près).

Quelques regrets toutefois : l’absence de la traduction française originale est un oubli inexplicable, qui réserve le jeu aux anglophones aguerris. La maniabilité ne nous a pas non plus semblé optimale sur iPad mini, le jeu captant correctement les touches mais peinant à déclencher le sprint après un double-tap – très gênant lors des rares phases en temps compté. Il arrive également que l’utilisation d’un objet de l’inventaire sur le décor soit compris comme un déplacement, source de frustrations qu’un portage impeccable aurait pu éviter. Et puis il y a ce fichu bug de collision rencontré vers la fin, qui nous a bloqué net – un conseil, sauvegardez beaucoup au chapitre 12 – ; pour autant, l’aventure est aussi captivante qu’au premier jour, et mérite sans conteste sa place parmi les meilleurs du genre sur iOS.

Conclusion

Malgré quelques petits accrocs (maniabilité par irréprochable, pas de trad française), le portage iOS de The Longest Journey rend honneur à celui qui reste l’un des 2-3 meilleurs jeux d’aventure en point ‘n clic de tous les temps, et dont les qualités n’ont pas pris une ride : ses énigmes, pour la plupart bien conçues, sont au service d’une histoire enchanteresse, voyage inoubliable entre deux mondes que tout oppose, ponctué de rencontres savoureuses et de moments de pure magie. A ne pas manquer si vous êtes à l’aise en anglais.

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Écrit par
Administrateur du site Etoile et champignon. Passionné par les jeux vidéo.

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