Critique de Death’s Door : aventure-action pleine de charme

Le jeu d’action-aventure Death’s Door nous propose d’incarner un corbeau bretteur, employé par une sorte de ministère de la mort. Notre mission : récolter plusieurs grandes âmes, qui seront autant d’occasions d’explorer cinq niveaux interconnectés jusqu’à leurs boss respectifs. Voilà qui laisse imaginer une aventure au climat lugubre et à la difficulté intimidante, peut-être à un énième « Souls-like ». Il n’en est rien : s’il flotte un air gothique sur ses niveaux, du grand château-cimetière des débuts au palais de glace final, il est comme adoucit, pour ainsi dire Nintendo-ifié (comme en atteste sa galerie de personnages ronds et mignons) et tend presque à l’expérience relaxante. Death’s Door compte certes de fréquents combats contre des groupes d’ennemis et une poignée de boss qui imposent d’élever sa concentration ; mais la majeure partie du jeu, plus purement exploratoire et à peine énigmatique (les puzzles y sont simples), se joue dans une forme de détente générale, sur le mode de la promenade esthétique, ce qui nous a parfaitement convenu.

Sur le versant de l’action, les combats reposent sur un jeu de timing (d’attaque, d’esquive) et de replacements constants : les ennemis, souvent en groupe, nous attaquent à tour de rôle, ce qui nous impose de reculer constamment hors de leur portée, puis de ré-avancer ou de les contourner pour placer un coup, à répétition. Comme dans les Souls, on meurt souvent par excès de gourmandise, parce que l’on a voulu placer le coup de trop et que l’on abuse du temps de répit entre les aggressions ennemis – le regain de points de vie étant astucieusement contraint par un système de « pots de soins » localisés, limités à un usage par zone -. La vue isométrique cause par ailleurs quelques erreurs d’appréciation quant à la position des monstres dans la profondeur… Mais le maillage resserré en checkpoints (qui permet de revenir à son lieu de mort en moins de 10 secondes) et le juste réglage de la difficulté empêchent toute frustration de s’installer durablement. De fait, notre pratique s’élève progressivement au niveau de prudence et de nervosité attendues, à mesure que l’on s’éveille aux animations annonciatrice des coups à venir (le jeu nous faisant la faveur d’être très clair sur ce point).

Sans doute ne faut-il pas attendre des combats des sommets de profondeur, la copie du studio Acid Nerve restant simple : le comportement des ennemis ne varie que très peu, et l’on ne dispose pour s’en défaire que de quatre ou cinq armes semblables, de trois attaques à distance et d’une roulade pour l’esquive… mais les affrontements n’en restent pas moins distrayants tout du long, portés par un feedback visuel et sonore toujours satisfaisant (chaque coup s’accompagne d’un bruit sourd et d’un effet d’animation jouissifs, qui manifestent clairement le choc des matières). C’est d’ailleurs sur ce point, celui du retour sensoriel de nos actions, que Death’s Door excelle lors de combats de boss aux mouvements tous superbement animés, que l’on pense à celui contre une mémé sorcière aux traits miyazakiens, multipliant les tours de passe-passe cartoonesques, où à cet autre qui nous oppose à un roi batracien, émergeant d’une eau saumâtre pour se saisir de notre arène et la détruire à petit feu. Chacun de ces grands adversaires dispose d’une palette d’attaques bien distinctes, à la fois lisibles et spatialement précises, qui font de leur affrontement un beau spectacle animé.

Plus qu’à son invention ludique, c’est bien à ce charme visuel et sonore que tient la réussite de Death’s Door, ce même charme qui s’active à plein dans sa partie exploratoire. Sur le papier, on n’y fait rien de plus que dans un Zelda-lite, dont l’interface aurait été réduite au strict minimum pour accentuer l’immersion : en l’absence de carte, on doit apprendre à y naviguer à vue, à l’intuition ou de mémoire, aidé par la clareté d’un level-design fort opportunément ramassé, qui « replie » les chemins sur eux-mêmes pour multiplier les raccourcis déblocables. Les qualités esthétiques du jeu font le reste : en nous « forçant » à scruter ses tableaux à la recherche d’un chemin ou d’élements interactifs à bidouiller (murs à casser, bouton à taper, crochets à « grapiner »), le game-design ouvre grand notre canal perceptif et provoque en retour une forte imprégnation par son atmosphère, émanant de ses mélopées et décors mélancoliques (de ruines gothiques à flanc de falaise, de jardin suranné, de manoir…), auxquels des modèles très soignés, à la fois simples et détaillés, confèrent une plaisante matérialité de maquette, presque palpable. Au-delà de la plaisante formule «Metroidvania » qui le structure – en ouverture progressive de chemins par l’acquisition de nouveaux pouvoirs -, l’attrait spécifique de Death’s Door tient à cela : à cette manière singulière d’articuler un monde mi-cafardeux mi-chaleureux et des parcours malins, bien rythmés, sur fond de mélodies douces-amères flottant comme une brise sur son monde en ruine.

+
  • Level-design lisible et malin
  • Action simple mais plaisante, à la difficulté bien ajustée
  • Combats de boss excellents à tous points de vue (du challenge, du spectacle animé)
  • Direction artistique remarquable, qui fait du jeu une promenade presque relaxante
-
  • La vue isométrique complique parfois la perception de la distance à l'ennemi
  • Le jeu manque un peu de "coffre" par son manque de profondeur ludique (côté action comme puzzles)
8
Écrit par
Administrateur du site Etoile et champignon. Passionné par les jeux vidéo.

Mot de passe perdu

Veuillez entrer votre identifiant ou adresse email. Vous recevrez un lien pour créer un nouveau mot de passe.