Critique de Super Mario 3D World (6/10) + Bowser’s Fury (8/10)

On est toujours attentifs à la sortie d’un nouveau Mario 3D, et pour cause : la série compte plusieurs chefs d’oeuvres (au moins Mario 64, Mario Galaxy 1 et 2), en forme de célébration du mouvement libre et de cet outil hyper modulable qu’est le saut, décliné de multiples façons (en wall-jump, double ou tripe saut, saut vrillé, etc.). Que nous réserve ce duo de jeux combinés en une cartouche ? Sorti à l’origine sur Wii U, Super Mario 3D World n’a pas comblé nos attentes, mais l’inédit Bowser’s Fury est en revanche une heureuse surprise, dans la droite ligne de ce que proposait le très bon Mario Odyssey,

Super Mario 3D World

Commençons par le cas « Super Mario 3D World », un épisode qui se laisse jouer sans déplaisir mais qui rencontre vite ses limites, au premier rang desquelles la gestion contrainte de sa caméra. Dans les Mario classiques, la liberté de cadrer est ce qui permet de regarder les niveaux sous tous ses angles, en vue de les pratiquer dans tous les sens. 3D World nous prive d’emblée de cette liberté en fixant sa caméra sur trois axes possibles, assez proches les uns des autres (on ne verra les niveaux que de face ou légèrement de biais). Cette limitation est voulue : elle résulte d’un choix de game-design, voué à dispenser les développeurs d’avoir à concevoir la face cachée et incadrable du monde, réduisant la quantité de travail à fournir, donc le coût de production. Super Mario 3D World n’était en effet pas destiné à devenir le nouveau Galaxy, mais plutôt à viser un « milieu de gamme » un peu bâtard, entre la formule 2D classique (dont il n’a pas la précision), et la 3D luxueuse des épisodes majeurs (dont il n’a pas les moyens).

Le joueur peut-il y trouver son compte ? Sans doute, mais avec un enthousiasme limité par cette caméra contrainte, qui conditionne la pratique autant que le level-design. Dans un Mario en « vraie » 3D, le cadrage est ce par quoi le joueur éprouve la forme d’un monde, ses contours, sa matière : la caméra libre est à ce titre l’outil qui sert à jauger la configuration du décor (ses hauteurs, ses longueurs) en le circonscrivant du regard, en lui « tournant autour », jusqu’à se sentir prêt à amorcer ses déplacements. C’est ce dont nous prive 3D World en nous empêchant de le cadrer librement, et de faire de notre regard scrutateur un élément central de son gameplay.

Ce choix de game-design a aussi un impact sur la conception des niveaux, qui sont comme écrasés dans la profondeur, apauvrit en matière jouable, leurs parcours devant s’inscrire dans les axes pré-programmés de la caméra ou sur les côtés – comme dans les Mario 2D mais sans en embrasser les potentialités spécifiques ni la précision -. Le level-design, ainsi simplifié et « canalisé » pour se conformer aux contraintes du cadrage, y perd une grande partie de sa plasticité : les itinéraires y sont forcément moins maléables et angulairement variés que dans les épisodes en pleine 3D, qui sont nettement plus ouverts à l’expérimentation et à l’enchainement créatif de mouvements – c’était le ressort principal de Mario Odyssey -. L’absence de caméra libre est enfin la cause d’une certaine imprécision dans les sauts et parcours en profondeur : dans l’impossibilité d’ajuster précisément son angle de vue, on peine à apprécier correctement les distances, ce qui cause de nombreuses erreurs involontaires.

Du fait de ses limites, 3D World n’atteindra donc pas le niveau des meilleurs Mario… ce qui ne veut pas dire qu’il est mauvais pour autant. En ajustant ses attentes à ses ambitions plus modestes, il reste possible de le prendre comme un jeu « appéritif » avant la pièce de résistance qu’est Bowser’s Fury, et d’en apprécier les qualités propres, nommément : ses combats de boss, visuellement limpides et amusants ; sa durée de vie conséquente (une vingtaine d’heure pour en faire le tour) ; et surtout, ses parcours variés, généreux en idées de gameplay (quasiment une nouvelle idée par niveau), nourries par un système de costumes conférant à Mario divers pouvoirs qui modifient sa pratique (costumes que l’on retrouvera dans Boswer’s Fury). Sur le plan comptable, le bilan ludique est loin d’être au rouge : 3D World propose tout de même de quoi distraire longtemps, notamment en mode nomade pour lequel il est clairement pensé, et ne pas l’admettre serait bouder son plaisir. Notre note : 6/10


Bowser’s Fury

On peut concéder une autre qualité à 3D World : c’est qu’il permet d’apprécier Bowser’s Fury à sa juste valeur, celle d’un jeu de plateforme en pleine 3D, d’une qualité de réalisation équivalente à celle de Mario Odyssey – c’est à dire excellente -, qui permet de retrouver tout ce qui nous avait manqué dans le jeu Wii U : la caméra libre d’abord, et toute la liberté de mouvement qu’elle permet ; un monde entièrement modélisé ensuite, et plus seulement sous l’un de ses côtés. Ce monde est la qualité principale du jeu, ce par quoi il se distingue : contrairement à celui des autres Mario 3D, il est ouvert, d’un seul tenant, et se compose d’une dizaine d’îles perdues dans l’océan, entre lesquelles on circule à la nage, en passant par des passerelles ou à dos d’une sorte de dinosaure marin, le tout sans écran de chargement.

Chaque île fonctionne comme un niveau « traditionnel » , et recèle cinq astres à obtenir en récompense d’objectifs accomplis. En rassembler un certain nombre permettra de débloquer un costume qui nous transformera en Mario-Chat géant, faisant apparaître en même temps un Bowser taille « Godzilla » pour un combat de boss entre colosses, joué à même le monde ouvert. Une fois vaincu, notre ennemi quitte temporairement la scène : on pourra le combattre à nouveau en récoltant le nombre d’astre requis pour faire apparaitre un nouveau costume et lancer un nouveau round (sur 4 au total). Quoi que l’on fasse, Bowser ressurgira toutes les 6 minutes environ pour faire pleuvoir des roches en fusion sur le monde et tenter de nous toucher de son souffle enflammé, dans le but de gêner notre progression ; puis il repartira, bis repetita, jusqu’à la fin du jeu.

Ce gimmick, mis en avant comme l’attraction principale, n’est pourtant pas ce qui nous a le plus séduit dans Bowser’s Fury. On en a surtout aimé les qualités « élémentaires » de pur jeu de plateforme 3D, à commencer par la variété thématique de ses îles, qui font passer d’un bâteau échoué à un monde gelé, puis à un monde-moulin, puis à un volcan géant, etc. On apprécie en outre l’excellence de son level-design dans le registre de la plateforme 3D, à la fois compact et dense en idées de jeu, embarquant sur peu d’espaces une quantité considérable de parcours interessants, récitant avec brio les gammes des Mario 3D – comme avec ce niveau en rotation permanente, assemblage de blocs disparates où l’on doit s’efforcer de rester sur la face horizontale, malgré le mouvement général de la structure (un principe inspiré des fabuleux niveaux « challenge » des Mario Galaxy) -. On apprécie enfin son utilisation très complète des costumes à pouvoirs qui permettent, entre autre, de grimper aux murs (en Mario Chat) ou de flotter dans les airs pendant quelques secondes (en Mario Raton-Laveur), ouvrant de nombreuses possibilités de déplacements créatifs pour accomplir des parcours d’obstacles investissant enfin pleinement les trois dimensions – l’expérimentations sur le mouvement redevenant possible, voire fortement incitée, comme dans Mario Odyssey -.

Bowser’s Fury se présente, en somme, comme un parfait condensé de Mario 3D dans une présentation originale en un seul monde ouvert, bouclable en 4 à 6 heures très plaisantes, bien avant que l’aspect dérivatif de ses idées (presque toutes issues d’autres épisodes) ne se fasse sentir. Difficile de ne pas apprécier un jeu au gameplay si parfaitement réglé et plaisant à pratiquer, qui sait distraire sur toute sa durée sans chercher à s’étaler plus que de raison, et se termine avant le trop plein. Notre note : 8/10

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  • Super Mario 3D World : la générosité en idées ludiques, la durée de vie, la réalisation impeccable
  • Bowser's Fury : un vrai Mario 3D en format condensé (level-design excellent, bon usage des costumes, jolis thèmes visuels)
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  • Super Mario 3D World : caméra à angles fixes (moins de contrôle), level-design apauvri
  • Bowser's Fury : un peu court ; quelques baisses de frame rate en présence de Bowser
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Écrit par
Administrateur du site Etoile et champignon. Passionné par les jeux vidéo.

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