Critique de The Legend of Zelda : Skyward Sword, entre ciel et terre

Test écrit en 2013

Fruit de cinq ans de développement après l’épuisant épisode-somme qu’était Twilight Princess, The Legend of Zelda : Skyward Sword a sucité ces derniers mois autant d’espoirs que de méfiance. Certains craignaient que son mode de contrôle par détection de mouvement limite l’intérêt de ses combats ; d’autres prédisaient une aventure sans verve épique. Skyward Sword est pourtant bien plus qu’un simple étendard de la Wiimote +, un titre surprenant qui entremêle esprit de tradition et trouvailles fabuleuses. Passage en revue d’un grand jeu, dont la vitalité n’est pas seulement celle que l’on croit.

Au commencement…

Remontant aux origines de la saga, Skyward Sword évoque un temps reculé où les hommes furent sauvés des Ténèbres par l’intervention providentielle d’une déesse. Les survivants s’installèrent sur des îlots célestes que leur bienfaitrice arracha de la surface de la Terre, avant d’oublier peu à peu leur Histoire… Lancé à la poursuite de Zelda qui ne tarde par à se faire capturer, Link doit quitter le Royaume du Ciel pour le monde oublié qu’il découvre par la Forêt de Firone, première des trois grandes zones qui constituent la première partie de la progression.

Chacune des trois zones accueille une sorte de jeu de piste introductif, qui consiste à trouver les objets ou PNJ débloquant l’accès au donjon de la région. Lors de ces phases de recherches en exploration libre, Link dispose de son épée comme d’une boussole, dont la pointe indique la direction des éléments recherchés. D’abord facile et légère, ces phases de pistage croissent en difficulté dès la deuxième zone où le sens de l’orientation est plaisamment mis à contribution. Chemin faisant, on découvre également le panel d’actions de cet épisode, réparties entre les contrôles traditionnels et l’utilisation de la Wiimote +.

Nouveauté notable, une jauge d’endurance régule l’escalade et la faculté de sprinter pendant quelques secondes qui permet aussi d’effectuer un court wall-jump pour se hisser sur des blocs en hauteur. Moins anecdotique qu’il n’y parait, le sprint contribue à dynamiser les phases de plateforme tout en créant quelques situations où la gestion de la jauge devient primordiale.On tiquera d’avantage sur le maniement des bombes à la Wiimote +, fruit d’un mélange malheureux entre contrôles analogiques et détection de mouvement, occasionnant quelques erreurs injustes. Les autres items découverts en donjons – dont nous ne dirons rien pour ne pas spoiler – se sont avérés nettement plus adaptés à ce mode de contrôle, et contrebalancent largement ce grief.

Remaniement du système de combat réussi

Mais l’emploi le plus réussi de la Wiimote + réside encore dans le maniement de l’épée, qui correspond presque parfaitement aux gestes effectuées par le joueur. Si l’on constate d’abord avec plaisir que chacun de nos mouvements est reproduit à l’identique par le bras armé de Link, la mise en place en combat nécessite par contre une réelle implication. Les premiers affrontements demandent en effet une concentration de chaque instant, même contre de simples plantes carnivores qui bloquent toute attaque mal calculée avant de punir le moindre échec.

Finis les matraquages de boutons produisant des cascades de combo sans se fouler ; il faudra désormais faire preuve d’observation et de timing pour passer la garde adverse et atteindre le point faible. Loin de provoquer l’ennui, cette dimension performative dans le combat procure une satisfaction insoupçonnée, surtout face aux ennemis les plus agiles. Ce sentiment de mérite est d’ailleurs décuplé lors des rencontres contre les boss, qui ne reposent pas que sur des routines exploitant l’objet du moment. Contre le sorcier Girahim qui propose l’une des plus rudes épreuves de la série toute entière, la victoire relèvera même du pur exploit. Attention au calibrage, donc : tout problème risquera de fausser totalement l’expérience de jeu.

Plus discrètes, les incartades du gameplay dans le champs du jeu de rôle se limitent à l’amélioration de son équipement – vitesse de tir des armes de jet, résistance du bouclier, etc… – en échange d’objets lâchés par les ennemis. Un coup d’œil sur les offres du forgeron de Celesbourg, en charge de ces upgrades – permettra de noter les items nécessaires avant de partir en chasse. S’ajoutent à cela les nombreuses quêtes annexes, qui occuperont probablement une bonne partie de votre temps en mariant l’utile – gain de quarts de cœur, de flacons et de rupees pour les achats divers et variés – à l’agréable. La chasse au trésor fait également son grand retour, et se révèlera presque aussi addictive que dans Wind Waker, elle aussi en deux temps : à chaque coffre céleste correspond un cube terrestre à activer pour déverrouiller le précieux sésame, au prix d’une recherche qui exploitera avec délice tous les recoins du décor.

Point de bascule

Plus encore que sa durée de vie de 30 heures grand minimum, la prouesse de Skyward Sword réside dans son flot ininterrompu de nouvelles idées architecturales, ludiques et esthétiques, qui survient après un démarrage un peu poussif : on y découvre un peu déconfit la nouvelle physionomie des zones terrestres, réseaux de chemins en vase clôt que ne relie aucune plaine centrale. Remplissant cet office, l’espace céleste librement parcouru à dos d’oiseau comble mal cette absence au départ, la faute en partie à des sensations de vol pas aussi grisantes qu’escomptées. De fait, l’engouement ne prend vraiment qu’après les cinq premières heures, où le projet global – approfondissement du décor et surprise en cascades – se dessine lors d’un retour dans la forêt de Firone : une nouvelle phase de jeu y propose une relecture des niveaux, qui contredit définitivement la première impression de platitude.

Link bascule alors dans un plan éthéré, dont il ne peut sortir qu’en collectant toutes les perles d’âmes environnantes. En veillant à ne pas être vu, il doit se faufiler entre les lampes des sentinelles et les lames des bourreaux jusqu’aux fameuse perles, au risque d’être tranché vif et de relancer la séquence depuis le départ. Les trois zones revisitées par cette nouvelle phase prennent du même coup un sens nouveau : le danger de mort histérise la moindre parcelle de terrain jusque là inexploitée, qui rend nécessaire l’optimisation de l’itinéraire. Ce point charnière, où les niveaux désordonnés deviennent des ensembles cohérents et habités – par notre panique entre autre ! – est sans conteste l’une des transformations les plus magiques opérées en cours d’épisode par la série.

Vertiges ludiques et esthétiques

La suite de l’aventure semble touchée par la grâce jusqu’à la fin, enchaînant décors captivants et parcours déjouant les poncifs de la série, de surprise en idée malicieuse. Parmi d’autres visions que l’on n’éventera pas, c’est encore la mer de sable (anciennement un lac) du désert de Lanelle qui nous a semblé l’espace le plus stupéfiant : un étrange dispositif faisant basculer une sphère de quelques dizaines de mètres dans une version passée du monde offre cette vision fulgurante, comme tirée d’un rêve : une coupelle d’eau traverse le vaste plan de sable d’un désert, reconfigurant le décor en un tableau mouvant à deux couleur.

Épaulée par une bande-son riche de quelques thèmes mémorables, la direction artistique épingle régulièrement cette atmosphère appesantie de monde chimérique, grâce à un filtre graphique qui marie les textures avec la douceur d’une aquarelle. Si le traitement esthétique connait des fortunes diverses lors du premier tiers – voir le premier désert en lavis fadasse – un regain d’inspiration permet ensuite de fréquentes visions fantastiques, comme la salle centrale du temple de l’Eau, cœur d’un mécanisme qui recompose le niveau en direct.

Car ces architectures visuellement saisissantes servent également de face visible à certains des meilleurs puzzles de la série, sous l’impulsion d’un level-design en parfaite maîtrise. Peu avare en surprises, comme cet accès soudain à un temple de fortune surgit de nulle part, il est le cœur battant de cet épisode ; et plus encore, le point d’achoppement d’un génie qui coïncide avec la première force de la série : offrir aux joueurs de reconfigurer l’architecture d’un décor par leur action, grâce aux outils de son gameplay (modifications spatio-temporelles, temples-mécanismes géants). Pour ses jeux de décors vertigineux entremêlés d’émotion ludique et esthétique, nul doute que Skyward Sword fera date.

Conclusion

The Legend of Zelda : Skyward Sword ne se contente pas de remanier habilement un système de combat qui n’avait pas changé depuis Ocarina du Temps. Après un démarrage en demi-teinte, la progression enchaîne une succession de moments d’anthologie qui semblent ne jamais vouloir finir. De temples dantesques en phases d’approches mémorables, Skyward Sword se joue des conventions de sa propre série pour mieux surprendre et émerveiller, instillant une exaltation de la découverte que l’on n’avait pas ressentie à ce niveau depuis bien longtemps dans un Zelda. Incontournable, tout simplement.

9
Écrit par
Administrateur du site Etoile et champignon. Passionné par les jeux vidéo.

Réagir

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Mot de passe perdu

Veuillez entrer votre identifiant ou adresse email. Vous recevrez un lien pour créer un nouveau mot de passe.