Critique de Monster Hunter Rise : trouver sa place dans le spectacle

Monster Hunter reste avec « Rise » une série revêche pour le débutant, avec ses menus en cascades, ses tutoriels rébarbatifs et sa collection de sous-systèmes de jeu (d’artisanat, de gestion de compagnon, de quêtes annexes dans tous les sens…), loin d’être tous nécessaires au cœur de son expérience. Mais c’est aussi le jeu d’une pratique potentiellement jouissive, une fois son arme de choix maîtrisée (parmi quatorze possible) et la physionomie des combats bien intégrée, laquelle est entièrement modelée par les animations de coups.

MH Rise n’est donc pas une expérience apprêtée mais au contraire très brute, presque sans enrobage narratif, confinant au filage de boss fights : on y choisit une mission dans la liste proposée par la donneuse de quête, un chargement nous téléporte sur sa map et le chrono s’enclenche, nous laissant un peu moins d’une heure pour tuer la ou les bestiole(s)-cible(s). Dans ce contexte, l’exploration n’est qu’utilitaire : MH Rise ne vaut ni pour ses paysages, assez peu attrayants, ni pour sa tendance au loot qui n’est qu’une manière d’occuper nos déplacements entre les lieux de combats. Exploration peu engageante, interface lourdingue, narration sans intérêt : de telles déconvenues auraient dû nous faire fuir. Il s’est produit l’inverse, par l’étonnante vertu de la brutalité de MH Rise. Sitôt ses premiers vrais monstres croisés, le jeu est immédiatement, entièrement ce qu’il ne cessera d’être par la suite : le lieu de dialogues acharnés avec l’ennemi par animations de coups interposées.

On évoquait plus haut la forme de l’action propre à la série, car c’est de loin ce qui ressort le plus de l’expérience de jeu : cette manière qu’ont les combats de passer entièrement par les animations, d’être façonnées par elles. Jouer à MH Rise, c’est devenir hyper attentifs à la configuration des attaques adverses pour réguler son placement autour d’elles, en se tenant à la fois hors de leur portée et le plus près possible du monstre, à une distance permettant la contre-attaque.

Chaque combat se vit comme une de partie de tennis où le joueur et l’I.A. se répondent par combos, quadrillant l’arène de lignes agressives. En l’absence d’auto-ciblage, la distance et l’angle de frappe sont laissées à notre appréciation, muant le simple fait de toucher l’ennemi en défi : il faut, à chaque fois, bien se placer, bien s’orienter, et lancer son coup au bon moment pour espérer toucher en tenant compte du probable déplacement du monstre. C’est ce qui rend si jouissif de placer ses combos les plus longs, tâche qui relève au départ de l’exploit et déclenche à chaque fois une franche euphorie, un peu comme celle de qui marque un but au foot face à une bonne défense.

Plus généralement, l’impression qui ressort des combats est celle d’une grande densité en micro-évènements, où le maniement d’une arme confine au langage d’action complexe. On ne jouera pas de la même façon, avec le même « phrasé » ni les mêmes angles d’attaques, selon que notre ennemi sera lourd ou vif, endurant ou vite essoufflé, facile à toucher ou blindé de partout. Et cette capacité d’adaptation qui s’acquiert à la longue, cette impression de devenir un petit maître de son arme et des comportements ennemis à force de pratiquer le jeu, apte à régler son jeu spontanément à la mesure de chaque situation, a été pour nous le trait le plus grisant du jeu. On a adoré s’y sentir progresser, devenir « à l’aise », gagner en fluidité d’enchainements, au point que la partie a été difficile à arrêter, même après le dernier boss « officiel » (notre compteur affichant alors plus de 100 heures qui nous ont semblées beaucoup moins).

Ajoutons que l’animation n’est pas ici qu’un « substrat » ludique ; elle est aussi la matière d’un spectacle visuel, qui commence dès l’engagement d’un monstre : les animations, déchainées, gagnent une physicalité impressionnante, faisant sentir des choses aussi fines que la lourdeur des corps, la répartition des masse sur les différents membres ou la bascule du centre de gravité dans le mouvement. L’action de MH Rise se nourrissant d’animations, l’aspect visuel des combat trouve une implication directe dans le champs du gameplay : il nous informe précisément sur l’angle d’attaque à privilégier, le rythme de jeu à adopter, les distances à tenir… Mais tout en renseignant la pratique, ces gestes animés sont en même temps des merveilles de scripts articulés, dont on se souvient après coup comme de petits chef d’œuvres d’animation cachées dans les replis de moments émergeants. Entre autres gestes mémorables, citons les vrilles folles du Magnamalo qui lui font traverser l’arène en un éclair, les mouvements incisifs et mordants du félins Tobi-Kadachi, ou à la mandale griffue du Goss Harag conclue par une superbe glissade retournée.

Monster Hunter Rise est donc la source de constants émerveillements visuels… mais aussi, il faut le dire, de frustrations assez fréquentes dues à l’impossibilité d’interrompre les animations (les nôtres comme celles de l’ennemi). De façon assumée, MH Rise impose de composer avec leur timing, donc de toujours bien choisir son moment pour déclencher une action bénéfique, pendant laquelle il sera impossible de faire autre chose : c’est sa façon, parfois horripilante, de lester chaque choix d’un risque de punition. Dans les faits, on paye régulièrement le prix fort pour avoir déclenché au mauvais moment une attaque mal calibrée, un soin ou un affutage, exposant notre personnage à d’interminables combos adverses sans pouvoir « reprendre la main ». Pour certains, cette fâcheuse tendance des combos à s’enchainer sans possibilité de cassure sera la lourdeur de trop. Pour les joueurs patients en revanche, que les beaux combats motivent assez et qui sauront supporter les mauvaises phases, MH Rise saura tenir sa promesse : celle d’un alignement satisfaisant entre les enjeux du « bien jouer » (où se placer, comment moduler ses combos) et le spectacle visuel qui en émerge, succession de beaux gestes ciselés par des maîtres animateurs, qui se pratiquent autant qu’ils s’admirent.

+
  • Un gameplay riche comme un langage, que l'on pratique en "phrases d'action" raffinées
  • La physionomie de l'action, toute en animations agressives (tantôt à esquiver, tantôt à impulser)
  • Le travail artistique sur l'animation, souvent spectaculaire et grisante
-
  • La lourdeur des animations insécables, source de fréquentes frustrations
  • La part d'exploration réduite à sa plus simple expression
  • Paysages sans attraits, aux textures vieillotes
  • Interface lourdingue et sous-systèmes de jeu qui compliquent excessivement l'entrée dans la partie
8
Écrit par
Administrateur du site Etoile et champignon. Passionné par les jeux vidéo.

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