Critique de Shin Megami Tensei : un grand JRPG méconnu

 Critique publiée par Benoît le 24/03/2015 sur Apps-and-play.com, site d’actualités et de tests sur les jeux mobiles en activité en 2014 et 2015. 24 mars 2014

 Sorti en 1992 sur Super Nes, Shin Megami Tensei est probablement le plus méconnu des RPG « qui comptent » : le titre d’Atlus, jamais traduit en anglais, fut en effet le point de départ de l’une des licences les plus importantes du genre (celle des Persona et des Devil Summoner)… mais pas seulement. C’est en découvrant la série, et son principe d’ »apprivoisement » de monstres que le studio Game Freak a l’idée de le décliner en un jeu « pour enfant », un certain Pokémon. Pour les amateurs de JRPG, ce portage iOS enfin traduit en anglais est donc l’occasion idéale de découvrir un véritable morceau de l’Histoire du jeu-vidéo.

Tout l’esprit Shin Megami dès le premier opus

Comme dans tous les jeux de la licence, on y incarne un lycéen arpentant un Tokyo assailli par des démons, esprits et autres créatures de mythe. Dans ce contexte de gigantesque boxon éctoplasmique, notre aventure nous conduira des quartiers du centre de Tokyo aux gratte-ciels labyrinthiques, au rythme de combats au tour par tour, de shopping citadin, de rencontres mystérieuses et de rêves inquiétants : tout ce qui fait l’identité des jeux de la série SMT, en somme. Mais si le pitch est toujours séduisant, mieux vaut vous prévenir : le game-design hyper vieillot risquera d’en repousser plus d’un.

Seuls les joueurs les plus persévérants sauront passer outre la présentation old-school en écrans fixes, et le level-design labyrinthique n’arrange clairement pas la donne : on y progresse en vue première personne, case par case, dans des donjons aux décors composés de salles et couloirs indifférenciés, renvoyant à la préhistoire du JRPG. Plus généralement, le jeu n’indique jamais ce qu’il faut faire, l’enrobage scénaristique étant particulièrement aride (quelques cut-scenes en image fixe et dialogues). Cette version iOS ne fait en outre aucun effort pour arrondir les angles : strict portage de la version SNES originale, elle reprend à l’identique son système de sauvegarde à certains endroits spécifiques – forcément éloignés les uns des autres -, avec pour seule nouveauté une sauvegarde automatique avant un combat fatal.

Quant aux contrôles, ils sont du même tonneau : en mode portrait, l‘écran de jeu riquiqui surmonte une interface particulièrement laide, faite de boutons virtuels mimant le design d’une console portable. Pour peu que l’on s’accroche en revanche, on finit par se faire à ses rudesses d’un autre âge : ses donjons deviennent plus lisibles grâce au système boussole-carte, la progression en allers-retours entre des points clés finit par faire sens et, les heures défilant, on se retrouve complètement captivé.

Des trésors d’invention ludique et thématiques

Une fois le « déclic » survenu, les thèmes étranges de SMT se mettent à exercer un réel pouvoir de fascination, à commencer par l’environnement – une version cauchemardesque du vrai Tokyo des 90′s, étouffante masse de béton s’étendant à l’infinie. Tout le reste du jeu exhale cette même impression de demi-sommeil inquiétant, où réalisme « moderne » et fantaisie teinté de religion se mélangent. A ce titre, le monde de SMT a quelque chose de profondément japonais : c’est un monde où les fantômes du folklore nippon (les fameux « Yokaï ») existent non seulement, mais s’invitent au cœur même de la modernité, dans les gratte-ciels et hôpitaux, dans les bouches de métro et les galeries commerciales ; un monde où le spiritualisme inquiétant côtoie le progrès technologique, où les démons peuvent être « capturés » sur un ordi portable.

Autre idée brillante, liée au mythe japonais des Yokai (« esprits » rôdeurs tantôt maléfiques, tantôt bienveillants) : les démons ne seront pas forcément nos ennemis, ils pourront aussi rallier nos troupes. A l’entame de chaque combat, une option permet d’engager la conversation avec l’ennemi pour tenter de l’amadouer : s’engage alors un négoce entre agression et tentative de charme, l’occasion de dialogues complètement perchés où l’on s’échine à comprendre la logique du monstre qui nous fait face. Faut-il le brusquer, flatter son égo, l’approcher ou le toiser de loin ? En l’absence de règle absolue, on tâtonnera à chaque nouveau démon, tentant de saisir la faille de son tempérament avant de l’appâter à coup d’argent et de magnétite – la ressource « spirituelle » du jeu -.

Si le système de combat en tour par tour, level-up et customisation d’équipement ne surprendra personne, le principe des démons alliés s’avère étonnamment riche et complexe (surtout pour son époque) : à la phase d’ »embauche » d’un démon se surajoute en effet celle de la fusion, qui permet de créer des monstres plus forts et ouvre un champs d’expérimentation passionnant. Quant à l’histoire, elle surprend à son tour lorsqu’émerge un dernier système de jeu, loin d’être anecdotique : celui de l’alignement moral de notre héros – à la Donjons et Dragon -, alignement déterminé par des choix dialogués à certains moments clés, et dont dépendra la fin du jeu. Bref, SMT cache sous ses airs vieillot des trésors d’inventions ludique et de thèmes passionnants.

Conclusion

Soyons clairs : Shin Megami Tensei ne plaira probablement qu’à un public très restreint. Son game-design dépassé risque en effet d’induire une grande confusion pour quiconque est habitué au jeux modernes balisés ; quant à sa difficulté redoutable, elle ne le réserve qu’aux passionnés de JRPG, curieux de découvrir l’épisode séminal d’une série importante. Les plus courageux ont en revanche de bonnes chances d’être complètement captivés par son système de jeu complexe, ainsi que par son monde citadin où progrès technologique et folklore religieux se mélangent.

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Administrateur du site Etoile et champignon. Passionné par les jeux vidéo.

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