Avant ce Spider-Man, qui était l’un des blockbusters PS4 de l’hiver 2018, Insomniac avait déjà brillé dans le gros jeu d’action avec les Ratchet and Clank. La réussite de cette adaptation sous licence « Marvel » n’était donc pas une surprise (on n’en attendait pas moins) : ce Spider-Man nouveau cru se réapproprie avec brio le mode de déplacement de son héros et restitue un New York impressionnant.
Le meilleur super-héros pour un jeu d’action en open-world
Spider-man est le super-héros idéal pour un jeu d’action en open-world, parce qu’il implique à la fois un mode de déplacement grisant et un décor dont il est indissociable, la ville de New-York tout en canyons urbains (pratique pour accrocher sa toile). Cela tombe bien, ville et gameplay de déplacement sont aussi les forces premières du jeu d’Insomniac, si imbriquées l’une dans l’autre qu’elles ne peuvent être envisagés séparément : le développeur ne s’y trompe pas puisqu’il nous catapulte dès les premières secondes de jeu en plein vol au milieu des grattes-ciel, dans une transition ultra-fluide avec la cinématique d’intro qui précède.
Comme on le découvre dès l’entame, les trajectoires paraboliques de notre héros voltigeur sont déclenchées par pressions sur la gâchette droite, qui « simulent » le lancer de toile. Tant qu’on la garde appuyée, notre héros maintient sa prise et poursuit sa trajectoire ascendante ; lâcher la gachette le fait tomber en chute libre, et il faudra appuyer à nouveau sur R2 pour repartir en montée. On apprend vite à doser ses lancers pour accélérer (en rase-motte par petites pressions successives), pour prendre de la hauteur en un temps très court (en maintenant la gâchette appuyée jusqu’à la fin du balancier), jusqu’à gagner un contrôle très fin sur nos trajectoires et notre vitesse. Il suffit de quelques dizaines de minutes pour s’approprier ce déplacement grisant comme un grand huit délié de tout rail, et dont on se lasse si peu que l’on utilisera à peine l’option de voyage-rapide sur les 30 heures que durent le jeu.
La ville au coeur du jeu
L’autre atout de Spider-Man, c’est bien sûr la ville de New York elle-même. Et c’est peu de dire que sa reproduction impressionne, notamment par la grande précision de ces lieux et son sens crédible des échelles (on se sent vraiment tout petit lorsque la ville est à nos pieds). Les marqueurs touristiques sont évidemment présents, tels les parcs et gratte-ciels emblématiques, Time Square, le Flatiron Building ou Grand Central (tous parfaitement recrées, et on en passe) ; mais ce qui frappe, c’est surtout la restitution convaincante de chacun de ses quartiers jusqu’aux moins connus, et de leur atmosphère singulière. Quiconque a eu la chance de se rendre à New York s’étonnera de retrouver telle petite rue ou tel bout de parc a priori pas remarquables, mais tout de même présents et fidèles à ses souvenirs. Bien sûr, des arrangement ont été pris avec la ville-modèle, notamment pour y placer des décors « inventés » pour les besoins du jeu (comme le gratte-ciel des Avengers, la tour Osborne ou tous les commissariats de police). Mais cela ne limite pas l’impression de parcourir une ville consistante, mise en avant par les meilleures missions du titre qui exploitent le déplacement pur ou l’observation minutieuse du décor – comme celles consistant à chercher de petits objets cachés ou à faire des photographies d’endroits précis -, autant d’interactions qui rendent le joueur attentifs au décor et accentuent l’immersion.
Par contraste, les combats ne sont pas la plus grande force du jeu d’Insomniac, même s’ils restituent assez bien la bagarre « comme dans un comic-book ». L’option prise rappelle celle des Batman Arkham, avec des affrontements fluides et bien animés, jolis à regarder mais qui finissent tous par se ressembler manette en main : on appuie quatre fois sur carré pour assommer un adversaire, on enchaîne sur triangle pour être téléguidé vers le prochain ennemi, tout en gardant le pouce près du rond pour esquiver dès que l’icône d’alerte apparaît (signifiant un danger imminent). S’y greffent quelques options de combos, un finisher une fois la jauge de concentration remplie, des nouveaux talents et gadgets à débloquer en cours de jeu, mais ces derniers sont plus un moyen d’écourter la corvée qu’une source de satisfaction ludique en soi : à l’abord d’une bagarre, on se demandera en effet comment la faire durer le moins possible tant elle finit par sembler routinière, et l’on intégrera alors un à un les gameplay connexes qui nous y aident… un peu dommage pour un jeu qui finit par insister lourdement sur ses affrontements dans sa deuxième moitié plus bourrine, moins gracieuse et légère, dont on ressort un peu lassés.
Balourdises de triple A
Nous ne sommes pas beaucoup plus convaincu par les phases d’infiltrations, tout en petites actions précises et déplacements minutieux là où le jeu excelle dans les grands mouvements qui embrassent le décor : on s’y sent un peu gauche, on s’enlise dans des erreurs sanctionnées par un game over et des temps de chargements, à rebours de ce qu’inspire le gameplay de déplacement aérien tout de vitesse et d’ivresse. Sur le versant de son histoire en revanche, ce Spider-Man est servi par une mise en scène soignée, lisible, dans le haut du panier s’agissant d’un jeu vidéo. On suit ses scènes d’action avec d’autant plus de plaisir qu’elles s’enchaînent souvent sur une séquence de gameplay, nous faisant passer du « film » au jeu sans écran de chargement, sans autre transition qu’une coupe entre deux plans. Le procédé est prodigieux et fait déjà des merveilles dans les «petites » missions annexes, comme celles des arrestations de véhicules en fuite ; il est à son meilleur lors des séquences de boss, où il nous catapulte littéralement au cœur d’une scène spectaculaire, chaotique, parfois intimidante. Les affrontements contre les « super-méchants » de la fin sont même inoubliables, à la fois aériens et brutaux, saturés d’effets visuels (orages électriques, monstres en noir et blanc, image à la limite du lisible…), portés par des animations stupéfiantes et des arènes de combat qui tirent astucieusement parti de la ville (dans un port, dans une usine, sur le toit de gratte-ciels).
S’ils font forte impression, on sort tout de fois de l’aventure avec un sentiment contrasté : celui que les heures de jeu ne se sont pas toutes values, que certaines avaient beaucoup « d’excès de gras », de ce gras typique des triple-A gavés jusqu’à la gorge de contenus pas toujours nécessaires, diluant le meilleur (les vols planés, l’observation minutieuse de la ville, les boss fights) dans le moins bon (l’infiltration mal adaptée au gameplay, les combats lambda). C’est le symptôme typique des jeux à gros budgets que d’être ludiquement boursouflés, trop chers pour risquer des propositions ludiques épurées sur leur strict nécessaire. Ceci dit, même diluée, la voltige de ce Spider-Man conserve assez de goût pour mériter sa place au rang des bons jeux d’action en open-world de la génération PS4.